N’est-ce pas un bon jour que ce mercredi nuageux et pluvieux pour partager avec vous cette note de lecture rédigée par Jean-Jauniaux à propos de « Entre deux nuages ».
Des instants qui flottent Jean-Louis MASSOT, Entre deux nuages, linogravures d’Olivia HB, Bleu d’encre, 2023, 80 p., 16 €. ISBN : 978-2-930725-60-4
Il est des livres dont on ne dissocie pas, une fois la lecture achevée, la poésie des mots et celle des illustrations. Il faut pour cela qu’elles se répondent, s’enlacent, se nourrissent mutuellement de ce qu’elles possèdent en propre pour se fondre dans un même mouvement de l’émotion, du rythme, de la musique. Entre deux nuages en alternant les textes de Jean-Louis Massot et les linogravures d’Olivia HB, relève avec éclat le défi de ces noces du mot et de l’image. Ce n’est pas la première fois que le poète et l’illustratrice se rencontrent sous l’enseigne de Bleu d’encre. Il y a quelques années, Olivia HB ornait (de photographies cette fois) les Nuages de saison composés par le poète en 2017.
Le recueil s’ouvre avec une « note » extraite de Pauvre H. de Jean-Pierre Georges. Le ton est donné, à la fois au lecteur, au poète et à l’illustratrice :
Quel bazar dans le ciel aujourd’hui, et pas deux nuages de la même couleur
Les textes de Massot alternent l’évocation du « poème » qui devient le protagoniste de son auteur, et les nuages qu’il observe en se laissant porter par les images qu’ils lui inspirent. Quant au poème, il l’évoque depuis sa naissance (Le poème n’avait déjà rien / à déclarer quand il a posé / ses / premiers pas sur le monde) jusqu’à son départ : c’est lui qui, à la dernière page, N’a pas voulu rester à la / maison la poésie / a / pris ses cliques et ses /claques, s’en est allée…)
Dans l’intervalle, entre ces deux pages, entre ces nuages, le poète s’interroge, cherche l’inspiration, déplore la misère de mots, s’attriste (ce poème n’a pas / montré plus de sourires / que tous les autres), tente de déchiffrer les Pyrocumulus (Se décharpent /Ces Pyrocumulus / avant d’être / séparés par / Les mains / du vent) tandis que le poème « pas plus haut que trois / pommes est heureux… ».
Les illustrations accompagnent la lecture de leurs compositions bichromes (noir et rouge), insérant dans le cadre les flocons ouatés de rouge des nuages s’échappant d’une tasse de café, une tache d’encre vue à travers les verres de lunettes du poète, le nuage vu à travers la fenêtre du petit déjeuner ou incarnant les volutes de musique échappées du gramophone…
Au fil des pages, le poète cherche, devine, déplore, rêve, espère… Et de cette quête, dont il sourit, il fait un cheminement allègre, léger et varié comme celui, là-haut, des Flocus semés / (…) / D’une main / Si légère. Traquer le poème, c’est aussi entrer en poésie. En voici la double démonstration, par le regard et par la lecture de ces « instants qui flottent » et nous rendent plus humains.
N’est-ce pas là l’énigme de la poésie, qu’elle se dérobe ou qu’elle surgisse ?
© Jean Jauniaux in Le Carnet et les instants, 2 août 2023. https://le-carnet-et-les-instants.net/2023/08/02/massot-entre-deux-nuages/
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