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sur "Opuscules poétiques"

cover Opuscules poétiques-page-001.jpgUne vie au cours de vers

MASSOT Jean-Louis, Opuscules poétiques 1995-1998, couverture et illustrations de Gérard Sendrey, Éditions Gros textes. Chateauroux-les-Alpes, 2022, 121 p. 9€

Le terme d’opuscules est au pluriel car le livre rassemble quatre courts recueils de Jean-Louis Massot, parus de 1995 à 1998, chez quatre maisons d’édition dont trois n’existent plus. Le quatrième recueil étant épuisé, Opuscules poétiques redonne à lire le fil humoristique, parfois goguenard, souvent tendre, d’une poésie qui chante la relation interpersonnelle. Pour les collectionneurs, le poème de la quatrième de couverture est le seul jamais paru. Le livre est illustré par un complice de longue date, Gérard Sendrey (1928-2022), le fondateur de la Création Franche à Bègles, site d’art brut.

Suivre l’œuvre de Jean-Louis Massot, sans le connaître, donc comprendre ce qui est lu sans arrière-fond biographique ni éditorial, c’est ce à quoi nous nous sommes livrés ici. Suivis en lecture, les poèmes jetés sur page comme bouteille à la mer nous ont offert quelques messages de vie.

Le vivant des rencontres d’objet contrevient à une vie de rangements tout comme la vie rangée annihile toute saveur. Si le poète au cœur d’artichaut se mue en cœur potiron et se sent « pourrir de l’intérieur » dans les brumes des saisons, sa poésie rappelle, non sans un brin de nostalgie, l’humanité :

« Se rapprocher à pas de loup

de naguère »,

mais toujours avec ce zeste d’impertinence qui parcourt incessamment l’œuvre de Jean-Louis Massot.

L’impertinence serait-elle à la tapisserie de sa poésie le remède aux « raccords qui se décollent » ? Une manière de déjouer le courant souterrain qui nécrose le langage ou le conventionnalise ? Mais aucune grandiloquence. L’ouvrage Opuscules poétiques livre une poésie prise dans la simplicité de la vie, car regarder le banal c’est déjà comprendre qu’il ne l’est pas.

Si créer est empêché par la contrainte qui vole les « sentiments », crucifie « l’amour », que reste-t-il au poète ? L’humour, nous l’avons dit, mais aussi une liaison analogique au monde. Ainsi, le poète, « cueillant une vague entre ses doigts, il apprenait à nager à ses doutes ». Mais jamais Jean-Louis Massot ne verse dans l’abscondité poétique chère aux avant-gardes car, comme le dit le poème « Je t’inviterai », la signification prime, jamais coupée

« des messages de misère

englués sur des pilotis de goudron »

Jean-Louis Massot confie peut-être aux lecteurs sa confiance personnelle aux mots, confiance en une utopie dont le ton nostalgique de certains poèmes accuse la fragilité aujourd’hui. Il fait offrande d’une vie de poésie en proposant au lecteur, à la lectrice, de se mettre à table pour goûter au bon vin des vers, aux mets assaisonnés des mots en ligne. La poésie sert à traverser sa vie et « surtout de ne pas passer à côté de nos actes ». Dans un monde triste, guerrier, aux professions de foi braillardes des chefs mortuologues, grondera-t-il du lointain quelque révolte nouvelle ? « Peut-on jamais savoir » ?

© Philippe Geneste, 2023

 

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